Ou comment Marguerite Boucicaut, une Bressane de bord de Saône à la jeunesse démunie, est montée à Paris pour devenir la pionnière du commerce moderne sans jamais oublier ses racines. Historique Bourguignonne !
L’histoire est fascinante. Marguerite Guérin, née en 1816, passe son enfance dans le petit bourg de Verjux, au nord-est de Chalon-sur-Saône. Selon la légende, la jeune fille, élevée seule par sa mère, ne sait ni lire ni écrire et garde des oies pour gagner trois sous. À 12 ans, elle est envoyée chez son parrain de Paris pour travailler comme aide-lingère, puis ouvre une petite crèmerie sept années plus tard. Elle y apprend les rudiments du commerce et fait une rencontre qui changera sa vie : celle d’Aristide Boucicaut, un vendeur de tissus plutôt aisé qui deviendra son mari. Plus tard, le couple entre dans le capital d’une grande boutique parisienne créée par deux frères, Au Bon Marché. C’est en 1863 qu’ils rachètent leurs parts pour en devenir entièrement propriétaires. De là, l’enseigne se transforme. Vastes choix, prix fixés à faible marge et indiqués sur une étiquette, principe du satisfait ou remboursé, mise en scène de la marchandise, soldes… Le concept du grand magasin était né. Les Boucicaut ne manquent pas d’idées innovantes. Marguerite va même jusqu’à créer les premières toilettes pour femmes, avec un salon de lecture pour leur mari et un envoi postal de 6 millions (!) de catalogues de mode dans les foyers français.
LE BIEN-ÊTRE DES EMPLOYES
Avec 4 000 employés (dont la moitié de femmes) et plus de 50 000 m2, le magasin du 7e arrondissement est alors un empire du commerce moderne copié partout. De 500 000 francs en 1852, son chiffre d’affaires grimpe à 72 millions en 1877. Un empire que Marguerite dirige seule à la mort de son fils et de son mari, deux ans plus tôt. En vraie chef d’entreprise, elle tient bon, toujours avec le souci du bien-être de ses employés : protection sociale, mise en place d’une caisse de retraite, accès gratuit au réfectoire, jours chômés, primes… C’est finalement en 1886, dans sa villa de Cannes, que la Bressane achève la formulation de son testament. Soixante-treize pages soigneusement dictées, dans lesquelles elle dit partager son immense fortune entre ses ouvriers, des œuvres sociales et son village natal. Grâce à elle, Verjux se dote d’une école, d’une salle de mairie et d’un pont qui porte son nom. De 1897 à 2000, l’hôpital Boucicaut de l’Assistance publique, financé en grande partie par ses legs, soignera des milliers de malades. L’immense magasin de la rive gauche, lui, sera repris au début des années 90 par le groupe LVMH pour en faire un centre commercial luxueux. Loin, si loin des oies bressanes.